Pour un Sénégal de paix, de droit, d’équité, de justice et de démocratie

L’exercice ferme du pouvoir ne signifie pas, et ne devrait être, l’emprisonnement de tous ceux qui pensent contrairement à nous. Si le Sénégal est un et indivisible, les libertés, par conséquent, les différences d’opinions ainsi que des croyances qui en découlent, doivent être, scrupuleusement, respectées, garanties et nécessairement préservées.

Pour un Sénégal de paix, de droit, d’équité, de justice et de démocratie

Il m’est difficile de comprendre tous ces jeunes ou autres citoyens en prison. Je pense principalement aux personnes de Karim Guèye Xrum Xak, Cheikh Oumar Diagne, Pape Alé Niang, pour des délits d’opinion. D’autres sont privés de liberté à cause de leur proximité avec un parti d’opposition. S’opposer et diriger sont inéluctables dans notre pays, autant accepter la cohabitation pour la rendre plus élégante, pleine de civilité et de civisme.

Dans le monde de la culture, nous adorions Ouza, ce chanteur aux allures et expressions révolutionnaires, si engagées qui indisposaient le Président Senghor. Radio Sénégal l’ignorait royalement quand Radio Seed de Banjul, de la Gambie, nous régalait jusqu’au jour où feu Maguette Wade a osé l’inviter à la Rts. L’artiste n’a point été emprisonné même si des difficultés lui ont été imposées. Le journaliste Souleymane Jules Diop, depuis le Canada, avait été plus que virulent contre le Président Abdoulaye Wade dans ses chroniques. Il avait même osé s’inviter dans une conférence du parti libéral, présidée par le Président, lors d’une visite officielle aux Etats-Unis. Nous avions tous condamné la manière empruntée des libéraux de l’époque, surtout de la part de ses anciens amis, faucons du palais de la République, pour l’éconduire violemment. Ses sorties hebdomadaires contre le régime libéral du Président Wade étaient de véritables flèches empoisonnées mettant à nu la gestion du pays avec les scandales pointés du doigt.

Mody Niang a fustigé, dénoncé et démontré les détournements des finances publiques sans être inquiété. Pape Alé Niang, aujourd’hui, en détention, était écouté par tous les Sénégalais lors de ses magnifiques et inégalables revues de presse, son “Bissimilah…” émerveillait le peuple des auditeurs quand il enfonçait des couteaux dans le cœur des gouvernants. Maître Wade, en bon Président, était «tendrement» maltraité par PAN comme un petit-fils l’aurait fait avec son grand-père. C’est ainsi qu’il justifiait ses piques, quasi quotidiennes. Le Président Wade ne l’a jamais mis en prison. Pourtant il en recevait de fortes doses bien matinales ! Fabrice Nguema n’était pas en reste pour la revue de presse dans la langue de Molière et son ton plein d’ironie. Le Président Wade savait encaisser.
Ceux qui sont au pouvoir et qui gouvernent notre pays ont été des opposants actifs et déterminés défiant l’ordre public, établi par un régime qu’ils contestaient. Ils semblent être si amnésiques au point d’oublier les actions les plus récentes. Les souvenirs des derniers mois de 2011 jusqu’à ceux menant à l’élection présidentielle de 2012 se sont effacés de leur mémoire collective.
Souleymane Jules Diop a, non seulement été accueilli au Sénégal après son exil, mais le tapis rouge lui a été déroulé par le Président Macky Sall pour en faire un ministre de la République. Devrait-on refuser la même liberté de ton à d’autres sur le sol sénégalais ? Pape Alé Niang dénonce mais n’insulte pas. Karim Guèye conteste, manifeste mais ne casse pas.

Depuis nos indépendances et même pendant la période coloniale, des personnes, des partis comme le Pai, des syndicats s’étaient opposés aux différents régimes en place, fustigeant des options et des orientations jugées contraires aux intérêts du Peuple. De Senghor, Abdou Diouf de l’Union Progressiste sénégalaise (Ups) devenue Parti socialiste (Ps) au Pds (Parti démocratique du Sénégal) de Maître Abdoulaye Wade, les luttes et les revendications étaient sans répit, sans complaisance. Nous nous rappelons les débats d’idées, d’expression, de syntaxe entre Senghor et Cheikh Anta Diop. Nous nous étions régalés du débat sur la gémination en ouolof de Siggi avec 2 syllabes “G” pour Cheikh Anta Diop quand le sérère Senghor, voulait écrire tel qu’il le prononçait le mot avec un seul “G” qui donnait “SIGI”. Usant de son pouvoir conféré par la Constitution, Senghor avait voulu bloquer la parution du journal du Rnd du nom de Siggi (se relever), l’intelligence des opposants de l’époque avec le Pr Cheikh Anta Diop et Me Babacar Niang put contourner cette obstruction en décidant la posture debout Taxaw.

Le haut niveau intellectuel avait suscité un débat plein d’enseignement pour les élèves de terminales, les étudiants et les jeunes politiciens. Ce fut, je crois, le premier du genre, entre le philosophe, Pr Abdoulaye Elimane Kane, et les tenants du pouvoir sur le thème : «Le Marxisme, est-il une science ?» L’excellent professeur faisait face à feu Djibo Ka, Bara Diouf, Moustapha Niasse du Parti socialiste. Cette formation politique avait de la crème dans ses rangs, Abdou Rahim Agne en était un exemple éclatant. Quel verbe, quelle éloquence et quelle classe ! Nos oreilles étaient choyées à l’entendre parler dans l’Hémicycle de la Place Soweto. Nous sommes loin des parlementaires d’aujourd’hui. L’Assemblée nationale est devenue orpheline de représentants de classe. Oui, rien à voir avec ces débats de caniveaux, ces injures obscènes à longueur de journées, ces faits divers, ragots et pauvres plateaux qui ne rehaussent pas le niveau culturel et citoyen de la population, surtout sa jeunesse.

L’opposition a permis la diversité politique qui a donné le multipartisme intégral après le Parti-Etat Ups ayant fonctionné de 1958 à 1976.

Auparavant la contestation, l’engagement si exacerbés des citoyens ont eu pour conséquence l’ouverture réglementée à trois courants de pensée politique du Président-poète Léopold Sédar Senghor exprimée par la Loi N° 1976 26 du 06 avril 1976. Il s’agissait des courants de pensée suivants : libéral et démocratique, socialiste et démocratique, marxiste-léniniste ou communiste.

Cette loi fut énergiquement rejetée par le Pr Cheikh Anta Diop, Maître Babacar Niang et autres illustres combattants du Rassemblement national démocratique (Rnd) pour aboutir au multipartisme intégral décidé par le Président-technocrate Abdou Diouf. Pour le Rnd, cette limitation souhaitée à trois partis par Senghor, avec des courants de pensée précis représentait une camisole de force à ne pas accepter. Cette lutte et une opposition énergique, sans concession aucune, ont donné naissance à la diversité des médias connue aujourd’hui.

Finie l’ère du seul et unique journal (Le Soleil), de la radio dénommée Orts (Office de radiodiffusion télévision du Sénégal) devenue Rts (Radiodiffusion télévision du Sénégal), tous des organes publics ayant comme principale feuille de route de se mettre aveuglément au service du pouvoir en place, pour sa propagande, le Peuple était exclu résolument, de l’opposition n’en parlons pas, ses militants étaient des pestiférés à tenir loin des micros. Combien sont-ils, aujourd’hui, ces journaux, ces stations radios, ces chaînes de télévision, cette presse en ligne au service de ce Peuple ? Oui, hier interdits et exclus des plateaux médiatiques de l’Etat, les opposants bannis, privés de moyens de communication, d’expression, victimes de consignes du pouvoir ou des pro-pouvoir s’expriment partout avec, même, une difficulté énorme de choix. Ces résultats font le charme de la démocratie. Ils ont permis deux alternances paisibles malgré des campagnes heurtées, mais des transmissions du pouvoir en toute élégance. Le Président Abdou Diouf avait félicité Me Abdoulaye Wade pour sa victoire en 2000. Le Président Abdoulaye Wade a accepté et félicité son challenger et successeur Macky Sall en 2012.

Malheureusement, depuis cette date de 2012, les nouveaux gouvernants utilisent tous les subterfuges légaux pour annihiler les velléités de changement.
Le régime du Président Macky Sall a accompli de très belles réalisations, malheureusement occultées par les scandales dont le dernier est la gestion du Covid, le fameux rapport de la Cour des Comptes suivant les affaires des faux billets, des passeports diplomatiques, les rapports de l’Ofnac, le rejet des candidatures par le parrainage, le rejet de listes aux Législatives, l’exclusion de deux candidats potentiels comme Karim Wade et Khalifa Ababacar Sall pour des questions financières, sans oublier ce dessein inavoué de tenir à l’écart ou à l’ombre le principal opposant, Ousmane Sonko, cette fois-ci pour des raisons de mœurs, de faits divers mobilisant toute la république de Benno bokk yaakkaar contre lui.

Tous ces trois opposants au régime de Macky Sall sont traînés devant la Justice. Le rouleau compresseur de Dame Justice a été lâché contre eux. Deux, Karim Wade et Khalifa Sall, y ont laissé des plumes car condamnés pour des peines de six et cinq ans les excluant des élections. Dur sort après avoir fait partie des dirigeants d’un pays. Ousmane Sonko, radié de la Fonction publique, président du parti Pastef et maire de Ziguinchor, crie au complot, mais se trouve sous contrôle judiciaire, il est sursitaire surtout parce que la jeunesse veille sur lui. La thèse du viol écartée, ses pourfendeurs et ses détracteurs mobilisant une presse aux ordres et des influenceurs, féroces acteurs à charge contre lui appuient certains magnats du régime qui se régaleraient d’un procès ternissant son honorabilité. Cette histoire nous conduit à penser à ce pauvre Dominique Strauss-Kahn ou DSK. Excellent économiste, universitaire, avocat d’affaires et orateur réputé, homme politique adulé par les jeunes étudiants. Il avait vu s’envoler toutes ses chances de participer à une élection présidentielle en France, le rêve de devenir Président s’était lamentablement brisé. C’était une affaire judiciaire de droit commun consécutive aux accusations d’agression sexuelle, de tentative de viol et de séquestration, portées par Nafissatou Diallo contre Dominique Strauss-Kahn, Directeur général du Fonds monétaire international (Fmi) dans la suite 2806 réservée de l’Hôtel Sofitel de New York. C’était la fameuse Affaire DSK ou Affaire du Sofitel de New York. Dominique Strauss-Kahn avait plaidé non coupable. Lors du procès pénal, le procureur avait mis en doute la crédibilité de la plaignante, ce qui a conduit à l’abandon des charges. Le mal était déjà fait et il était très profond. Son arrestation très fortement médiatisée. Le retentissement international avait entraîné sa démission du poste de Directeur général du Fmi et son exclusion dans l’élection primaire du Parti socialiste français pour désigner le candidat présidentiel.
Ousmane Sonko, même destin que DSK ou “Oscar Sierra” comme l’appellent les partisans de l’autre bord, proches du pouvoir, viendra-t-il à bout des tentacules pernicieux du pouvoir sans aucune séquelle, sans infirmité temporaire ou définitive ?

L’envie pour certains de voir Macky Sall briguer un second mandat de 5 (cinq) ans pousse à la sélection des candidats pour exclure, à chaque fois que possible, les plus gênants jusqu’au dernier afin d’assurer la victoire du camp présidentiel. Les intérêts sont énormes, les conséquences de la perte du pouvoir sont pleines de risques de pauvreté, de pertes de privilèges, de standing social et de disparition de liberté en cas d’arrestation. Les repas et le cocktail du pouvoir sont si alléchants que l’article 27 de la Constitution stipulant dans son alinéa premier «La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans» pour ensuite commencer solennellement dans son alinéa 2 par «Nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs» ne semble pas verrouiller aussi hermétiquement notre loi fondamentale, révisée par la Loi constitutionnelle N° 2016- 10 du 05 avril 2016, malgré tout ce qui est avancé. La décision “1 C 2016 du 12 février 2016” prise par le Conseil constitutionnel rendait intouchable le premier mandat de 7 (sept) ans et conduisait, forcément, à l’organisation de l’élection présidentielle en 2019 au lieu de 2017. Les constitutionnalistes et autres intellectuels en débattront à quelques mois des élections de 2024 comme en 2012, avant que la rue ne prenne le pas. Les scénarii s’écrivent de la même manière et se jouent de manière piteusement similaire, malgré le changement des acteurs. Le verrou, à mon avis, risque de ne fonctionner que pour le nouveau Président élu en 2024 et l’alinéa 2 de l’article 27 «Nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs» aura toute sa force, sa puissance si aucune modification n’intervenait pour rester au pouvoir. Des affaires ternissent notre image et fragilisent notre quiétude, “Forces spéciales”, les morts non élucidées lors des manifestations, le décès brutal de François Mancabou, en garde à vue, la disparition de l’Adjudant-chef Didier Badji et du Sergent Fulbert Sambou.
Malheureusement le corps repêché le mercredi 23 novembre 2022 ayant été identifié comme celui du Sergent Fulbert Sambou, constitue une alarmante nouvelle poussant à des inquiétudes pour le sort de l’Adjudant-chef Didier Badji. Un Peuple ne peut pas être continuellement géré par une main de fer dans un gant de velours. La libération des détenus d’opinion doit se faire sans délai. Le respect des droits de l’opposition ne se négocie point car la roue tourne, hier opposants, demain au pouvoir et vice-versa. Pour la stabilité du pays, user et abuser du pouvoir n’est pas la meilleure solution. Nous devons nous accepter différents mais complémentaires. Nous sommes différents, raisonnons et agissons dans la diversité, mais nous demeurons les fils et les filles d’une même Nation, avec un seul but, celui de développer notre pays et une unique foi pour le bénéfice exclusif de notre cher Sénégal.

Que Dieu préserve notre cher pays de toutes les dérives. Que la paix règne partout dans les quatre points cardinaux de notre territoire national. Que Sadio Mané soit solidement rétabli pour nous redonner plaisir et fierté. Que tous nos ambassadeurs sportifs soient préservés de blessures afin que le succès soit leur lot quotidien. Plein succès aux étudiants et élèves. Excellente cohésion sociale dans les entreprises, entre patronat et employés, entre l’Etat face aux différents syndicats. Bonne et heureuse année 2023 à tous. Que la Paix règne sur le Sénégal et les pays environnants.
Vive le Sénégal.
Amadou DIA
Consultant en opérations portuaires,
transports et logistique