Cameroun : L’idée de la révolution n’est-elle pas anachronique et inadaptée ?
Par Louis-Marie Kakdeu
Dans une vieille tradition de gauche, l’on parle de Révolution en référence à un changement radical de l’ordre social ou du pouvoir en place par des méthodes qui ont toujours fini par être VIOLENTES et autoritaires. De nos jours, on parle mieux de PROGRESSISME en référence à une démarche réformiste qui privilégie les moyens de la science et de la technologie pour améliorer les conditions de vie des citoyens (et non pour augmenter les souffrances par des crises). Je me propose de discuter de ces orientations dans le cadre de cette réflexion.
Il ne faut déjà pas confondre Révolution, Révolte et Résistance dans l’usage. La Résistance est utilisée en politique pour désigner spécifiquement un mouvement qui s'oppose à l'occupation d'un pays par des forces étrangères. A l’intérieur d’un même pays, la Révolte est un mouvement de contestation ou de soulèvement d’un groupe qui s’estime lésé ou victime de l’ordre préétabli. La Révolution s’analyse a posteriori parce que la finalité est la chute d’un ordre social. Il n’y a pas révolution tant que le régime combattu n’est pas tombé. La Révolte est spontanée alors que la Révolution est planifiée. La Révolte est portée par la masse des personnes lésées alors que la Révolution est théorisée par une élite, ce qui a TOUJOURS engendré à travers l’histoire des risques de récupération par une bourgeoisie voulant s’installer au pouvoir. Le but de la Révolte n’est pas toujours la prise du pouvoir politique. La Révolution quant à elle vise clairement le renversement de l’ordre préétabli et l’installation d’un nouvel ordre ou d’un nouveau pouvoir. Sauf qu’il faut une élite pour prendre le pouvoir. L’histoire n’est pas clémente sur ces élites qui ont pris le pouvoir après les Révolutions. Les dérives ont le plus souvent dominé les bienfaits. Et cela se comprend : il faut imposer de façon brusque un Nouvel Ordre social, ce qui engendre toujours des dérives autoritaires, pour ne pas dire dictatoriales.
L’idée de la révolution était célèbre dans les milieux de gauche (ouvrière) encore appelés aujourd’hui « Extrême-gauche » aux 17ème, 18ème et 19ème siècles. L’on a principalement noté les révolutions américaines, françaises, russes ou chinoises avec des fortunes diverses. Certains ont mis les luttes pour la décolonisation dans le cadre des révolutions sauf que la littérature ne reconnaît pas que l’ordre colonial a été renversé. Au contraire, l’impérialisme s’est sophistiqué à travers le phénomène de la néo-colonisation (Peau noire masque blanc). Certains placent aussi les mouvements du Printemps arabe dans le cadre de la révolution sauf que des pouvoirs sont tombés et aucun ordre patrimonial n’a été brisé à nos jours. Il y a une constance scientifique : Les pays qui se sont développés (même en Afrique) ont appliqué des politiques publiques progressistes. Le hasard a conduit comme au Rwanda un dictateur éclairé au pouvoir. Mais, les progressistes ne valideront pas le sacrifice d’un million de personnes pour parvenir à l’état actuel du progrès au Rwanda. Le chemin du pogrom n’est pas adapté au 21ème siècle.
Depuis les années 1950, l’Afrique a connu plus de 200 coups d’Etat sans qu’on ne soit capable de dire que le continent s’en porte mieux. Un pays comme le Bénin a connu plus de 20 alternances au pouvoir sans que l’indice de développement n’évolue positivement ou sans que l’ordre social ne change. En octobre 2021, le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, avait dénoncé une « épidémie de coups d’État » en Afrique en référence à une maladie qu’il faut soigner au lieu de vouloir la renforcer comme le souhaitent certains. La raison est que les chefs militaires et autres élites qui se sont emparés du pouvoir se sont donnés le sentiment de bénéficier d’une « impunité totale », ce qui ne convient plus à notre siècle.
A travers l’histoire, les Révolutions ont débouché sur des dérives autoritaires comme le libertarisme, l’anarchisme ou le fascisme. Il s’agit des mouvements de dictature de l’extrême-gauche qui n’ont pas été une alternative crédible au capitalisme que l’on combattait. Le Cameroun semble avancer vers l’anarchisme, ce qui mérite de soulever des inquiétudes. Il s’agit d’un mouvement qui milite pour la baisse de l’autorité de l’Etat et de la hiérarchie. Tous les partis structurés ont été sanctionnés par le vote du 12 octobre 2025. Les « révolutionnaires » semblent vouloir une société sans règles basée sur l’opportunisme du moment ou la grande capacité de victimisation (« ils veulent me/nous tuer »). Ils rejettent l’idéologie, rejettent les politiques publiques, rejettent la planification et la programmation ; ils se moquent des « proposants ». Pour avoir le sauf-conduit au Cameroun, il faut montrer ou prouver que l’on est aussi une victime du régime.
Or, à travers le monde, les gens n’en sont plus là. D’autres pays se développent et attirent toujours plus les immigrés camerounais et/ou africains. Il s’est créé à Leipzig le 22 mai 2013, à l'occasion des 150 ans du SPD (1863) en Allemagne, un réseau mondial appelé « Alliance progressiste (en anglais, Progressive Alliance) » qui regroupe les partis progressistes, sociaux-démocrates et socialistes. A ce jour, plus de 80 partis dont le SDF sont membres et travaillent sur l’amélioration des conditions de vie des citoyens. Face à l’idée de la Révolution, il se développe plutôt au niveau mondial l'idée de progrès basé sur les avancées dans les domaines de la science, de la technologie, du développement économique et de l'organisation sociale. En clair, on n’a plus besoin de sacrifier des vies humaines pour renverser un ordre social. Ça suffit cette Afrique où des dizaines de milliers de personnes doivent mourir pour RIEN!
(A suivre!)
Louis Marie Kakdeu, MPA, PhD & HDR
Deuxième Vice-Président National SDF











